Face à la chute des écosystèmes, on ne change pas car on ne regarde pas assez le contexte et les normes sociales qui nous font agir.
Si je veux changer mon régime alimentaire et manger moins de viande, si je veux acheter moins de vêtements ou de façon plus raisonnable, et qu’à chaque coin de rue je trouve des burgers et des boutiques de prêt à porter lowcost, et qu’il n’y a pas de restaurant vegan dans ma ville, ou que les vêtements fabriqués localement en matière naturelle sont inexistants, je me trouve dans une sorte d’injonction paradoxale ou de biais cognitif qui va m’amener à stabiliser ma perception des choses et à continuer de consommer des burgers et des vêtements bons marchés.
L’impossibilité de communiquer sur ce paradoxe est un effet émergent de la double contrainte, une sorte de verrouillage supplémentaire de la situation. Paul Watzlawick explique qu’on ne sort d’une boucle paradoxale (double contrainte) que par un recadrage, permettant une lecture de la situation à un niveau différent. Par exemple, en évoquant cette double contrainte, c’est-à-dire en changeant de niveau de perception et d’analyse de la situation. Une autre option est de décaler l’injonction paradoxale avec la créativité ou l’humour. Un autre élément est d’élever le niveau d’analyse pour sortir du cadre de l’absurdité, ce qui introduit la notion de contexte. Parler du contexte dans lequel survient cette injonction paradoxale permet de dépasser le problème.
Ici c’est la même chose, comprendre mon comportement sans tenir compte du contexte, de l’offre disponible, des processus d’influence, des normes sociales et tenir compte seulement de mon comportement individuel, me met dans une injonction paradoxale que je vais chercher à dépasser par des réponses paradoxales. Comme le dit Aurélien Barrau, nous devons changer de paradigme en revisitant, entre autres choses, nos valeurs.
Le contexte est parfois plus important que le comportement isolé d’un individu pour comprendre sa façon de fonctionner. Les facteurs d’influence sont tout aussi importants.
L’importance du contexte a donné lieu à ce qu’on appelle “l’architecture des choix”, comment on va agencer l’environnement d’un groupe humain pour le pousser vers un certain comportement. Par exemple, les passages piétons, les panneaux publicitaires dans le métro qui nous vendent des vols pas chers alors qu’on fait des efforts pour prendre moins l’avion, etc. Vous pouvez écouter à ce sujet l’excellent Albert Moukheiber sur le podcast “Votre cerveau” sur radiofrance.fr
Il nous faut regarder les responsabilités individuelles et collectives pour agir de façon positive et globale. Et donc regarder les systèmes dans lesquels on évolue plutôt que de regarder la responsabilité individuelle.
Dans le monde du travail, c’est la même chose. Il peut être difficile de se dire qu’il faut changer de travail pour être vertueux et avoir un impact positif alors que le contexte ne pousse pas ou ne permet pas de la faire. Par exemple, si je suis déjà dans un métier qui m’apporte peu de satisfaction financière, peu de responsabilité, je vais d’abord vouloir améliorer ma situation avant de penser à améliorer la situation de la planète qui me paraît avoir des conditions d’habitabilité correcte pour mon quotidien.
Pourtant, il est possible de trouver un travail satisfaisant, qui répond à des besoins personnels et collectifs. Et engager un travail de reconversion permet ce cheminement, cette prise de conscience individuelle et collective et les transitions qui sont liées.